Expulsions de bidonvilles : les chiffres du recensement 2015 (ERRC-LDH)

Expulsions de bidonvilles : les chiffres du recensement 2015 (ERRC-LDH)

Par 25ansbidonvilles.org, 12 janvier 2016

Plus de 11 000 expulsions de Roms en 2015

LE MONDE | • Mis à jour le | Par Maryline Baumard

Un camp rom à Paris, le 18 décembre 2015.

2 015 aura été difficile pour les Roms de France. Commencée avec le refus d’inhumation dans le cimetière communal de Champlan (Essonne) de Francesca, morte le 1er janvier et âgée de deux mois, l’année s’est terminée par la blessure au Stade de France, le 13 novembre, de deux hommes et un adolescent de cette communauté, qui compte quelque 20 000 personnes dans l’Hexagone.

Entre ces drames, 11 128 personnes ont été expulsées de 111 campements par la force publique. Ces 11 128 Roms, qui ont dû quitter leur caravane ou leur abri, représentent 60 % des habitants des bidonvilles que compte le territoire, selon le très officiel recensement de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement. Sur ces 111 campements évacués, 76 ont subi ce sort à la suite d’une assignation devant un tribunal ; 31 à la suite d’un arrêté d’insalubrité ou de péril pris par le maire ou le préfet. S’y ajoutent quatre campements abandonnés volontairement par leurs habitants après une annonce d’éviction imminente.

Comme chaque année, c’est le travail conjoint de l’association European Roma Right Center (ERRC) et de la Ligue des droits de l’homme (LDH), qui permet ce recensement. En réalisant son travail d’enquête, Philippe Goossens, le responsable du sujet à la LDH, a pu observer que l’Ile-de-France arrive largement en tête des régions les plus hostiles à cette population, avec 62 % du total des évacuations.

« Cible d’une discrimination systématique de l’Etat »

Il a aussi pu s’arrêter sur le statut des terrains occupés. « Alors que les Roms s’installent aussi souvent sur des lieux publics que sur des espaces privés, les expulsions concernent dans 80 % des cas les terrains publics », rappelle-t-il. C’est à ses yeux la preuve que ces évacuations « n’ont pas pour but la défense de la propriété privée comme les autorités le laissent entendre, mais sont bien la cible d’unepolitique de rejet, d’une discrimination systématique de l’Etat ».

La LDH et l’ERRC ne sont pas les seuls à faire ce constat puisque le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad al Hussein estimait, le 11 septembre 2015, à Genève, qu’il apparaissait « de plus en plus clairement qu’il existe une politique nationale systématique d’expulsion de force des Roms » en France et… en Bulgarie. Déjà quelques mois auparavant, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, avait demandé, le 17 février, dans son rapport sur la France, que soit « mis un terme sans délai aux évacuations forcées ».

Même si, le 18 mai 2015, Manuel Valls rappelait dans Libération qu’il fallait un « diagnostic social » avant ces démantèlements, même si la circulaire interministérielle du 26 août 2012, « relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuations des campements illicites » a été signée par sept ministres, les faits contredisent ces engagements. Sur ces 111 évacuations de l’année, des solutions de relogements – même partielles – n’ont été proposées que pour des habitants de 29 camps, contre 71 campements en 2014 (année qui avait vu 138 évacuations).

« Rejet généralisé »

Ce qui fait dire à la LDH et à ERRC que « la circulaire du 26 août 2012 est désormais lettre morte » et que « la politique en vigueur reste le rejet généralisé ». Adam Weiss, le responsable juridique de l’ERRC, se demande pour sa part « quand la France se rendra compte que les obligations que lui impose la Convention européenne des droits de l’homme doivent aussi être appliquées envers les Roms »…

La réponse à sa question pourrait venir des tribunaux. Les deux associations ont en effet observé avec intérêt l’ordonnance rendue le 23 novembre 2015 par le Conseil d’Etat à propos de la « jungle » deCalais, où plusieurs milliers de migrants vivent dans une grande précarité. La plus haute instance administrative en effet condamné l’Etat et la ville à y « faire cesser les atteintes graves portées aux libertés fondamentales des migrants ».

Lire aussi : Manuel Valls et les Roms : l’impossible procès

Les deux associations attendent désormais que cette décision fasse jurisprudence et soit étendue aux campements roms. « Si les conditions de vie y sont telles que les personnes peuvent être soumises à des traitements inhumains ou dégradants, ce texte pourra être invoqué ailleurs », avait observé Me Patrice Spinosi, avocat des associations et des migrants requérants, le jour de la décision. L’affaire n’a pas échappé aux avocats des associations roms. Elle a même apporté une petite lueur d’espoir dans leur combat, en ce début 2016.

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